Quelque chose ici m’avait échappé. Certains tendaient la main vers le ciel, semblant vouloir désigner un objet le parcourant. D’autres avaient l’air d’implorer les divinités. Je n’y avais pas vraiment prêté attention la première fois, happé par le rythme progressif et lancinant de la musique électronique. Pourtant, quelque chose semblait être en train d’advenir. Beaucoup d’indices me le faisaient maintenant penser. Il se jouait, dans les jardins près du château, quelque chose d’unique. J’avais l’étrange sensation d’un basculement en cours ; comme si, l’espace d’un instant, je pouvais apercevoir, sous le poids des grands arbres frissonnants, les marges lointaines du monde. Loin des grands projecteurs, les regards se tournaient, les corps et les surfaces scintillaient, doucement, dans l’obscurité persistante.

Il y avait tout à construire. Chaque année, se renouvelait cette promesse collective ; bâtir petit à petit une utopie à inventer, à expérimenter et à transformer. C’était peut-être cela ces regards portés vers les cieux. Il ne s’agissait certainement pas d’une catastrophe à venir, s’abattant depuis l’espace, mais plutôt d’un désir profond. Ce désir, c’était celui de construire, à son tour, un château de ses propres mains. C’était celui de se réunir à l’abri du monde, non pas pour le fuir, mais pour mieux le comprendre et y percevoir, même si ce n’est que pour un instant seulement, le voyage des lucioles dans la nuit.

Peut-être pourra-t-on alors trouver dans ces marges si lointaines de la ville, si ce n’est un grand château aux proportions fantastiques, au moins une communion retrouvée entre les refoulés et les oubliés, et, comme dans un rêve, la promesse d’une forêt des songes aux désirs partagés.