Dark Age
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Dark Age
2022 – en cours

L’historiographie occidentale a pu qualifier d’âge sombre les périodes considérées comme négatives ou funestes pour l’histoire d’une civilisation, d’un peuple ou d’un pays. La lecture décliniste d’une période historique particulière se prolonge, naturellement, d’une interprétation progressiste de la période à partir de laquelle la comparaison se construit. Par le glaive du progrès et de l’éclat lumineux du fer dans la nuit, s’oppose la lumière et l’obscurité, le bien et le mal, la morale et l’immorale.

En Histoire, la formulation anglophone de ces dark ages a depuis été remise en question et critiquée. L’utilisation contemporaine de ce concept pour qualifier la période que traverse la société occidentale, à l’aube du vingt-et-unième siècle, est symptomatique d’un sentiment généralisé de nostalgie. Face à un présent qui n’apporte pas de réponses et en bas de l’escalier menant au futur incertain, que reste-t-il à l’anti-héros déprimé ; au doomer ? Sur les réseaux sociaux, dans les milieux nationalistes ou du gaming, le titre post new-wave Little Dark Age du groupe MGMT est réinterprété et repopularisé comme un hymne revisitant l’esthétique classique ou les stéréotypes de beauté antique, à la gloire d’un âge d’or fantasmé et face à une civilisation occidentale en déclin. En 1981, Orchestral Manœuvre in the Dark annonçait déjà un tournant en enregistrant Joan of Arc à l’occasion du 550ème anniversaire de la mort de Jean d’Arc. C’est le retour d’une nouvelle vague, convoquant les figures lointaines du passé pour trouver des réponses réconfortantes.

J’explore une mutation personnelle et critique de la notion du Dark Age afin de la libérer de la tentation nostalgique, la faire évoluer dans notre présent, sans pour autant nier que les symboles du passé, même fantasmés, ont une résonnance contemporaine. Ce qui m’intéresse, c’est le chemin spirituel qui peut être parcouru entre les formes archaïques inconscientes et les formes technologiques conscientisés, et la manière dont elles peuvent s’associer, presque magiquement. Les défenseurs scientifiques du Dark Age lui préfèrent d’ailleurs maintenant un sens plus consensuel, permettant de désigner les périodes historiques pour lesquelles les traces archéologiques sont rares ou disparues. Mais quelles sont ces pièces manquantes et où se cachent-elles ? Quels enseignements peuvent-elles nous apporter sur notre monde et son fonctionnement ? J’ai l’intuition ou l’espoir qu’il existe un monde en creux à celui que nous habitons ; une antichambre secrète d’où émergeraient des symboles à interpréter pour réaliser notre propre exégèse. Dark Age est une reconstitution de rites, de lignes et de corps où les images ne se révèlent pas au travers d’espaces localisables dans le temps et dans l’espace, mais s’expriment plutôt de manière holistique, comme des épiphanies ou des frontières ésotériques à franchir. Quelque part entre le rêve et le fantasme, j’explore les associations qu’il pourrait exister entre ces formes libérées des lieux et des cultures dont elles sont issues. J’épouse les conditions économiques contemporaines de la délocalisation pour rendre à la violence du monde une forme de réparation plastique qui a quelque chose à voir avec l’art fragmentaire : un mouvement orchestral lent que l’on opérerait dans le noir, dans l’espoir de voir apparaître les brèches du futur.

Dark Age
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